« Et si seulement l’amour veut bien éclore pour moi, avant que je m’en aille ; et si je peux peindre trois bons tableaux, alors je m’en irai contente, des fleurs dans les cheveux. »

Il aura fallu attendre l’année 2016 pour que cette artiste soit enfin reconnue en France, elle qui, tout au long de sa courte existence n’aura de cesse de voyager entre son Allemagne natale et Paris. On peut saluer le coup de cœur et l’engagement de Marie Darrieussecq, l’autrice d’«Etre ici est une splendeur » qui y évoquera non seulement l’artiste passionnée au talent longtemps ignoré dans son propre pays, mais également la femme intuitive, ouverte aux « avant-gardes » de son époque.

Tout au long de sa vie, une seule obsession: peindre. Elle ne cessera de lutter parmi les hommes et les artistes de son temps qui souvent comme son époux, le peintre Otto Modersohn, pensaient que « les femmes ne sont pas faites pour la peinture ».

Durant l’été 1897 : elle se rend à Worpswede, près de Brême et y découvre la colonie d’artistes qui revendiquaient leur indépendance vis-à-vis des grandes académies artistiques. Ils aspiraient à donner une place à la nature et désiraient exercer leur art sans artifice et en toute simplicité, afin notamment de donner une image idéale de la population paysanne et de sa pureté originelle.

Comme eux, elle aime les paysages de brume, la mélancolie des tourbières ; elle aime peindre les gens simples et non idéalisés; elle apprécie la vie tranquille, auprès de son mari, lui qui l’encourage à prendre des cours de cuisine plutôt que de trouver sa « patte ».
Mais elle aime aussi la peinture non académique de Cézanne et de Gauguin, la vie à Worpswede lui semble vite trop étriquée et sa vie alors se déroule entre l’atmosphère feutrée d’une femme aisée et ses séjours à Paris où elle s’enfuit, pour étancher sa soif de découvertes artistiques et peindre quoi qu’il en coûte.

Elle développe un style hanté par les visages et corps de femmes et d’enfants. Entrée dans un univers résolument masculin, elle est la première femme à se peindre nue et enceinte.

Le poète Rainer Maria Rilke sera l’un des seuls à la soutenir; il lui achètera son premier tableau de son vivant. Elle meurt en plein élan créateur, pressentant les grandes mutations de la création picturale de ce début du XXème siècle.

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